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Pierre

Il est mort sur le champ de bataille de Saint Laurent de Blangy le 17 décembre 1914, quelques jours avant de fêter ses 24 ans. Ils devaient se fiancer à Noël. On lui a dit qu'il était enterré à Saint Nicolas les Arras, mais on est pas sûr. C'est peut être à Neuville sur Vaast. Et pis, on est pas sûr que ce soit son cadavre non plus. Pensez....357 morts écrabouillés dans la boue et autant de blessés qui braillent, c'est qu'on a pas le temps de faire dans la dentelle. De toute façon, c'est trop loin pour aller pleurer sur sa tombe. Et qu'elle ravale ses larmes, il est mort pour la patrie. C'est une belle mort, elle peut être fière. Ce médaillon, c'est tout ce qui reste de lui. Et le bébé. Elle doit le mettre en nourrice, dans une ferme à trente kilomètres de là. Pour payer les fermiers, elle travaille chez des bourgeois. Elle s'occupe de leurs enfants pour que d'autres puissent nourrir le sien. Longtemps, elle lui rend visite le dimanche, mais la route à pied l'épuise et puis en grandissant, le petit Pierre se débat souvent, il ne veut pas de ses baisers mouillés, il ne veut pas des bras de cette petite bonne femme en noir, qui sent la poussière et qui pleure. Et elle, ça lui déchire le cœur. Alors un jour elle ne vient plus. Elle abandonne la vie. Elle vieilli sans faire de bruit, les yeux secs à force de scruter le visage de Pierre. Elle a tellement peur qu'il s'efface. Le beau visage de son Pierre qui n'est jamais revenu.


 
 
 

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