Je regarde les pêcheurs rentrer en trainant leur seau plein d’huitres et de bigorneaux, certains ont même un caddie… Je capte des bribes de conversations, petits instantanés de vie entre copains, en famille. Comme ce grand-père qui hèle son petit fils pressé de rentrer : « mais viensdon ! Regarde ço ! Faut les ramasser les bigorneaux, avant qu’y s’en aillent. Mais si t’aime ço, tout le monde aime ço ! Allez viensdon les ramasser ! ». L’autre persiste à lui tourner le dos et continue de faire le couillon avec son caddie. La pêche à pied. Je me souviens de mon petit panier vert en plastique dans lequel je déposais précieusement les crevettes que j'attrapais à la main. Je trouvais ça plus rigolo qu’à l’épuisette. Je passais des heures accroupie, les fesses dans l’eau, les mains posées sur le sable en attendant que les petites curieuses viennent les effleurer avec leurs antennes. Et tchaaaaak ! Je les chopais en les pinçant entre mes doigts. Je me souviens du plaisir à les voir s’entasser et frétiller dans mon panier. Je me souviens des heures passées à courir sur les rochers bretons, à scruter les trous, à traquer les dormeurs dans les anfractuosités, à esquiver les pinces des étrilles, à soulever les pierres pour décrocher les bigorneaux. Les gros, jamais les petits. Je savais. Je me souviens de la rugosité de la roche sous mes pieds, du bonheur à les enfoncer dans le goémon. Je n'ai jamais eu peur de marcher dans les algues. Ni dans la vase. Je me souviens de la pêche aux couteaux. Viser les petits trous affleurant l'eau. Se positionner face au soleil pour ne pas faire d'ombre. Mettre un peu de sel sur le trou. Attendre. Et d'un geste sec et rapide, attraper le couteau dès qu'il montrait le bout de son nez. Je me souviens des tableaux vivants dans les mares. Véritables petites forêts sous-marines que je scrutais, émerveillée d’observer tant de diversité dans si peu d’espace. Je me souviens surtout du sentiment de liberté tellement jouissif pour la petite fille sage que j’étais.
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